mercredi, décembre 15, 2010

Energie renouvelable : la France refroidit les ardeurs du photovoltaïque

Le gouvernement Fillon décide d’instaurer un gel de trois mois des nouveaux projets photovoltaïques en France.
Premier ministre a considéré que l’emballement de l’activité dans la filière impliquait de marquer une pause.
En cause, la file d’attente des projets de raccordement au réseau d’ErDF pour une
puissance totale de près de 4.000 MW alors que la croissance du photovoltaïque
en France doit être réalisée à raison de 500 MW par an. Soit huit ans d’attente
pour les derniers enregistrés!
Pas de doute, la bulle du solaire a enflé à une incroyable vitesse. En trois ans, de 2008 à 2010, la capacité installée du photovoltaïque a été multipliée par dix pour atteindre 850 MW, faisant passer la France du 12e au 7e rang mondial
Un rythme bien trop rapide au regard des objectifs du Grenelle de l’Environnement qui prévoient 1.100 MW installés fin 2012 et 5.400 MW fin 2020, le tout s’inscrivant dans un programme européen aux termes duquel 23% de la production française d’électricité devra provenir d’énergies renouvelables. Mais pourquoi condamner un excès de vertu?
C’est que l’écologie ne peut s’affranchir de l’économie, et que la vertu aujourd’hui n’existe que subventionnée.

D’où la décision de François Fillon de rétablir des équilibres.

Panneaux solaires chinois
L’importation de panneaux solaires chinois à des prix attractifs a fait baisser les coûts d’infrastructures, et les investisseurs obtiennent actuellement des taux particulièrement bas pour financer ces projets. Ainsi, ils peuvent aujourd’hui espérer des rendements à deux chiffres de leurs investissements. Le scénario est idéal pour la spéculation… même si le spéculateur en question est parfois une PME qui
installe sur ses entrepôts une structure de panneaux solaires, ou un agriculteur qui utilise un champ pour obtenir ainsi un complément de revenu. En outre, il est déjà prévu que les tarifs de rachat baissent dans l’avenir de 10% par an. Ce qui pourrait expliquer l’empressement de conclure des contrats avec EDF.
Le consommateur qui paie pour le spéculateur : le principe, plébiscité au départ, risquait de devenir contre-performant pour le gouvernement. D’autant que la nouvelle organisation du marché de l’électricité votée en novembre (qui oblige EDF à vendre de l’électricité à ses concurrents à des prix attractifs) provoquera elle-même
des hausses de tarifs pour les consommateurs (de l’ordre de 25% en cinq ans,
selon la Commission de régulation de l’énergie)…
Redéfinir les base d’une industrie du photovoltaïque
Nathalie Kosciusko-Morizet, ministre de l’Ecologie, a lâché l’argument imparable:
ce n’est pas au consommateur français de subventionner l’industrie chinoise des panneaux solaires.
Et d’après la ministre, la production de ces panneaux produirait 1,8 fois plus de CO2 que pour un panneau français. Des chiffres invérifiables, mais un argument en béton lorsqu’il s’agit précisément de lutter contre les émissions de gaz à effet de serre. De façon plus concrète, les panneaux solaires chinois auraient contribué à creuser de 800 millions d’euros le déficit commercial français.
L’explosion du photovoltaïque pose un autre problème aux pouvoirs publics. L’économie verte doit créer les emplois de demain. Après avoir raté le train de l’éolien, la France avait choisi de se focaliser sur le solaire. Or, avec 80% des panneaux en provenance de Chine, les emplois (les objectifs portent sur 15.000 salariés fin 2010 et 50.000 fin 2020) ne sont pas au rendez-vous.

Dans ces conditions, le gouvernement a décidé de remettre la situation à plat. Et de prendre trois mois, avec les industriels de la filière, pour partir sur de nouvelles bases.

Pour certains professionnels, le moratoire est «sage» dans la mesure où il ne touche pas les particuliers.


Par Gilles Bridier
http://www.slate.fr

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